- FANTAISIE
- Fantaisie signifiait autrefois l'imagination, et on ne se servait guère de ce mot que pour exprimer cette faculté de l'âme qui reçoit les objets sensibles.Descartes, Gassendi, et tous les philosophes de leur temps, disent que les espèces, les images des choses se peignent en la fantaisie; et c'est de là que vient le mot fantôme. Mais la plupart des termes abstraits sont reçus à la longue dans un sens différent de leur origine, comme des instruments que l'industrie emploie à des usages nouveaux.Fantaisie veut dire aujourd'hui un désir singulier, un goût passager: il a eu la fantaisie d'aller à la Chine; la fantaisie du jeu, du bal, lui a passé.Un peintre fait un portrait de fantaisie, qui n'est d'après aucun modèle. Avoir des fantaisies, c'est avoir des goûts extraordinaires qui ne sont pas de durée. Fantaisie en ce sens est moins que bizarrerie et que caprice.Le caprice peut signifier un dégoût subit et déraisonnable: il a eu la fantaisie de la musique, et il s'en est dégoûté par caprice.La bizarrerie donne une idée d'inconséquence et de mauvais goût que la fantaisie n'exprime pas: il a eu la fantaisie de bâtir, mais il a construit sa maison dans un goût bizarre.Il y a encore des nuances entre avoir des fantaisies et être fantasque: le fantasque approche beaucoup plus du bizarre.Ce mot désigne un caractère inégal et brusque. L'idée d'agrément est exclue du mot fantasque, au lieu qu'il y a des fantaisies agréables.On dit quelquefois en conversation familière, des fantaisies musquées; mais jamais on n'a entendu par ce mot, des bizarreries d'hommes d'un rang supérieur qu'on n'ose condamner, comme le dit le Dictionnaire de Trévoux: au contraire, c'est en les condamnant qu'on s'exprime ainsi; et musquée, en cette occasion, est une explétive qui ajoute à la force du mot, comme on dit sottise pommée, folie fieffée, pour dire, sottise et folie complète.
Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.