- GRACIEUX
- Gracieux est un terme qui manquait à notre langue, et qu'on doit à Ménage. Bouhours, en avouant que Ménage en est l'auteur, prétend qu'il en a fait aussi l'emploi le plus juste, en disant:Pour moi, de qui le chant n'a rien de gracieux.Le mot de Ménage n'en a pas moins réussi. Il veut dire plus qu'agréable; il indique l'envie de plaire, des manières gracieuses, un air gracieux. Boileau, dans son Ode sur Namur, semble l'avoir employé d'une façon impropre, pour signifier moins fier, abaissé, modeste:Et désormais gracieux,Allez à Liége, à Bruxelles,Porter les humbles nouvellesDe Namur pris à vos yeux.La plupart des peuples du Nord disent, Notre gracieux souverain; apparemment qu'ils entendent bienfaisant. De gracieux on a fait disgracieux, comme de grâce on a formé disgrâce: des paroles disgracieuses, une aventure disgracieuse. On dit disgracié, et on ne dit pas gracié. On commence à se servir du mot gracieuser, qui signifie recevoir, parler obligeamment; mais ce mot n'est pas employé par les bons écrivains dans le style noble.
Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.