IGNORANCE

IGNORANCE
SECTION PREMIÈRE.
    Il y a bien des espèces d'ignorances; la pire de toutes est celle des critiques. Ils sont obligés, comme on sait, d'avoir doublement raison, comme gens qui affirment, et comme gens qui condamnent. Ils sont donc doublement coupables quand ils se trompent.
PREMIÈRE IGNORANCE.
    Par exemple, un homme fait deux gros volumes sur quelques pages d'un livre utile qu'il n'a pas entendu. Il examine d'abord ces paroles:
    " La mer a couvert des terrains immenses... Les lits profonds de coquillages qu'on trouve en Touraine et ailleurs ne peuvent y avoir été déposés que par la mer. "
    Oui, si ces lits de coquillages existent en effet: mais le critique devait savoir que l'auteur lui-même a découvert, ou cru découvrir que ces lits réguliers de coquillages n'existent point, qu'il n'y en a nulle part dans le milieu des terres; mais, soit que le critique le sût, soit qu'il ne le sût pas, il ne devait pas imputer, généralement parlant, des couches de coquilles supposées régulièrement placées les unes sur les autres, à un déluge universel qui aurait détruit toute régularité: c'est ignorer absolument la physique.
    Il ne devait pas dire: " Le déluge universel est raconté par Moïse avec le consentement de toutes les nations; " 1° parce que le Pentateuque fut longtemps ignoré, non seulement des nations, mais des Juifs eux-mêmes
    2° Parce qu'on ne trouva qu'un exemplaire de la loi au fond d'un vieux coffre, du temps du roi Josias
    3° Parce que ce livre fut perdu pendant la captivité
    4° Parce qu'il fut restauré par Esdras
    5° Parce qu'il fut toujours inconnu à toute autre nation jusqu'au temps de la traduction des Septante
    6° Parce que, même depuis la traduction attribuée aux Septante, nous n'avons pas un seul auteur parmi les gentils qui cite un seul endroit de ce livre, jusqu'à Longin, qui vivait sous l'empereur Aurélien
    7° Parce que nulle autre nation n'a jamais admis un déluge universel jusqu'aux Métamorphoses d'Ovide, et qu'encore, dans Ovide, il ne s'étend qu'à la Méditerranée
    8° Parce que saint Augustin avoue expressément que le déluge universel fut ignoré de toute l'antiquité
    9° Parce que le premier déluge dont il est question chez les gentils est celui dont parle Bérose, et qu'il fixe à quatre mille quatre cents ans environ avant notre ère vulgaire; ce déluge ne s'étendit que vers le Pont-Euxin
    10° Parce qu'enfin il ne nous est resté aucun monument d'un déluge universel chez aucune nation du monde.
    Il faut ajouter à toutes ces raisons que le critique n'a pas seulement compris l'état de la question. Il s'agit uniquement de savoir si nous avons des preuves physiques que la mer ait abandonné successivement plusieurs terrains; et sur cela M. l'abbé François dit des injures à des hommes qu'il ne peut ni connaître ni entendre. Il eût mieux valu se taire et ne pas grossir la foule des mauvais livres.
SECONDE IGNORANCE.
    Le même critique, pour appuyer de vieilles idées assez universellement méprisées, mais qui n'ont pas le plus léger rapport à Moïse, s'avise de dire que " Bérose est parfaitement d'accord avec Moïse dans le nombre des générations avant le déluge. "
    Remarquez, mon cher lecteur, que ce Bérose est celui-là même qui nous apprend que le poisson Oannès sortait tous les jours de l'Euphrate pour venir prêcher les Chaldéens, et que le même poisson écrivit avec une de ses arêtes un beau livre sur l'origine des choses. Voilà l'écrivain que M. l'abbé François prend pour le garant de Moïse.
TROISIÈME IGNORANCE.
    " N'est-il pas constant qu'un grand nombre de familles européennes,.... transplantées dans les côtes d'Afrique, y sont devenues, sans aucun mélange, aussi noires que les naturelles du pays ? "
    Monsieur l'abbé, c'est le contraire qui est constant. Vous ignorez que les nègres ont le reticulum mucosum noir, quoique je l'aie dit vingt fois. Sachez que vous auriez beau faire des enfants en Guinée, vous ne feriez jamais que des Welches qui n'auraient ni cette belle peau noire huileuse, ni ces lèvres noires et lippues, ni ces yeux ronds, ni cette laine frisée sur la tête, qui font la différence spécifique des nègres. Sachez que votre famille welche, établie en Amérique, aura toujours de la barbe, tandis qu'aucun Américain n'en aura. Après cela, tirez-vous d'affaire comme vous pourrez avec Adam et ève.
QUATRIÈME IGNORANCE.
    " Le plus idiot ne dit point, moi pied, moi tête, moi main; il sent donc qu'il y a en lui quelque chose qui s'approprie son corps. "
    Hélas ! mon cher abbé, cet idiot ne dit pas non plus, moi âme.
    Que pouvez-vous conclure, vous et lui ? qu'il dit, mon pied, parce qu'on peut l'en priver; car alors il ne marchera plus: qu'il dit, ma tête; on peut la lui couper; alors il ne pensera plus. Eh bien ! que s'ensuit-il ? ce n'est pas ici une ignorance des faits.
CINQUIÈME IGNORANCE.
    " Qu'est-ce que ce Melchom qui s'était emparé du pays de Gad ? plaisant dieu que le Dieu de Jérémie devait faire enlever pour être traîné en captivité. "
    Ah ! ah ! monsieur l'abbé, vous faites le plaisant ! Vous demandez quel est ce Melchom: je vais vous le dire. Melk ou Melkom signifiait le seigneur, ainsi qu'Adoni ou Adonaï, Baal ou Bel, Adad, Shadaï, Éloï ou Éloa. Presque tous les peuples de Syrie donnaient de tels noms à leurs dieux. Chacun avait son seigneur, son protecteur, son dieu. Le nom même de Jehova était un nom phénicien et particulier; témoin Sanchoniathon, antérieur certainement à Moïse; témoin Diodore.
    Nous savons bien que Dieu est également le dieu, le maître absolu des Égyptiens et des Juifs, et de tous les hommes, et de tous les mondes; mais ce n'est pas ainsi qu'il est représenté quand Moïse paraît devant Pharaon. Il ne lui parle jamais qu'au nom du Dieu des Hébreux, comme un ambassadeur apporte les ordres du roi son maître. Il parle si peu au nom du maître de toute la nature, que Pharaon lui répond: " Je ne le connais pas. " Moïse fait des prodiges au nom de ce Dieu, mais les sorciers de Pharaon font précisément les mêmes prodiges au nom des leurs. Jusque-là tout est égal: on combat seulement à qui sera le plus puissant, mais non pas à qui sera le seul puissant. Enfin, le Dieu des Hébreux l'emporte de beaucoup; il manifeste une puissance beaucoup plus grande, mais non pas une puissance unique. Ainsi, humainement parlant, l'incrédulité de Pharaon semble très excusable. C'est la même incrédulité que celle de Montézuma devant Cortez, et d'Atabaliba devant les Pizaro.
    Quand Josué assemble les Juifs, " Choisissez, leur dit-il , ce qu'il vous plaira, ou les dieux auxquels ont servi vos pères dans la Mésopotamie, ou les dieux des Amorrhéens aux pays desquels vous habitez: mais pour ce qui est de moi et de ma maison, nous servirons Adonaï. "
    Le peuple s'était donc déjà donné à d'autres dieux et pouvait servir qui il voulait.
    Quand la famille de Michas, dans Éphraïm, prend un prêtre lévite pour servir un dieu étranger; quand toute la tribu de Dan sert le même dieu que la famille de Michas; lorsqu'un petit-fils même de Moïse se fait prêtre de ce dieu étranger pour de l'argent, personne n'en murmure: chacun a son dieu paisiblement; et le petit-fils de Moïse est idolâtre sans que personne y trouve à redire; donc alors chacun choisissait son dieu local, son protecteur.
    Les mêmes Juifs, après la mort de Gédéon, adorent Baal-Bérith, qui signifie précisément la même chose qu'Adonaï, le seigneur, le protecteur: ils changent de protecteur.
    Adonaï, du temps de Josué, se rend maître des montagnes; mais il ne peut vaincre les habitants des vallées, parce qu'ils avaient des chariots armés de faux.
    Y a-t-il rien qui ressemble plus à un dieu local, qui est puissant en un lieu, et qui ne l'est point en un autre ?
    Jephté, fils de Galaad et d'une concubine, dit aux Moabites: " Ce que votre dieu Chamos possède ne vous est-il pas dû de droit ? Et ce que le nôtre s'est acquis par ses victoires ne doit-il pas être à nous ? "
    Il est donc prouvé invinciblement que les Juifs grossiers, quoique choisis par le Dieu de l'univers, le regardèrent pourtant comme un dieu local, un dieu particulier, tel que le dieu des Ammonites, celui des Moabites, celui des montagnes, celui des vallées.
    Il est clair qu'il était malheureusement indifférent au petit-fils de Moïse de servir le dieu de Michas ou celui de son grand-père. Il est clair, et il faut en convenir, que la religion juive n'était point formée; qu'elle ne fut uniforme qu'après Esdras; il faut encore en excepter les Samaritains.
    Vous pouvez savoir maintenant ce que c'est que le seigneur Melchom. Je ne prends point son parti, Dieu m'en garde; mais quand vous dites que c'était " un plaisant dieu que Jérémie menaçait de mettre en esclavage, " je vous répondrai, monsieur l'abbé: De votre maison de verre, vous ne devriez pas jeter des pierres à celle de votre voisin.
    C'étaient les Juifs qu'on menait alors en esclavage à Babylone; c'était le bon Jérémie lui-même qu'on accusait d'avoir été corrompu par la cour de Babylone, et d'avoir prophétisé pour elle; c'était lui qui était l'objet du mépris public, et qui finit, à ce qu'on croit, par être lapidé par les Juifs mêmes. Croyez-moi, ce Jérémie n'a jamais passé pour un rieur.
    Le Dieu des Juifs, encore une fois, est le Dieu de toute la nature. Je vous le redis afin que vous n'en prétendiez cause d'ignorance, et que vous ne me défériez pas à votre official. Mais je vous soutiens que les Juifs grossiers ne connurent très souvent qu'un dieu local.
SIXIÈME IGNORANCE.
    " Il n'est pas naturel d'attribuer les marées aux phases de la lune. Ce ne sont pas les grandes marées en pleine lune qu'on attribue aux phases de cette planète. "
    Voici des ignorances d'une autre espèce.
    Il arrive quelquefois à certaines gens d'être si honteux du rôle qu'ils jouent dans le monde, que tantôt ils veulent se déguiser en beaux esprits, et tantôt en philosophes.
    Il faut d'abord apprendre à monsieur l'abbé que rien n'est plus naturel que d'attribuer un effet à ce qui est toujours suivi de cet effet. Si un tel vent est toujours suivi de la pluie, il est naturel d'attribuer la pluie à ce vent. Or, sur toutes les côtes de l'Océan les marées sont toujours plus fortes dans les sigigées de la lune que dans ses quadratures. (Savez-vous ce que c'est que sigigées, ou syzygies?) La lune retarde tous les jours son lever; la marée retarde aussi tous les jours. Plus la lune approche de notre zénith, plus la marée est grande; plus la lune approche de son périgée, plus la marée s'élève encore. Ces expériences et beaucoup d'autres, ces rapports continuels avec les phases de la lune, ont donc fondé l'opinion ancienne et vraie que cet astre est une principale cause du flux et du reflux.
    Après tant de siècles, le grand Newton est venu. Connaissez-vous Newton ? avez-vous jamais ouï dire qu'ayant calculé le carré de la vitesse de la lune autour de son orbite dans l'espace d'une minute, et ayant divisé ce carré par le diamètre de l'orbite lunaire, il trouva que le quotient était quinze pieds; que de là il démontra que la lune gravite vers la terre trois mille six cents fois moins que si elle était près de la terre; qu'ensuite il démontra que sa force attractive est la cause des trois quarts de l'élévation de la mer au temps du reflux, et que la force du soleil fait l'élévation de l'autre quart ? Vous voilà tout étonné; vous n'avez jamais rien lu de pareil dans le Pédagogue chrétien. Tâchez dorénavant, vous et les loueurs de chaises de votre paroisse, de ne jamais parler des choses dont vous n'avez pas la plus légère idée.
    Vous ne sauriez croire quel tort vous faites à la religion par votre ignorance, et encore plus par vos raisonnements. On devrait vous défendre d'écrire, à vous et à vos pareils, pour conserver le peu de foi qui reste dans ce monde.
    Je vous ferais ouvrir de plus grands yeux, si je vous disais que ce Newton était persuadé et a écrit que Samuel est l'auteur du Pentateuque. Je ne dis pas qu'il l'ait démontré comme il a calculé la gravitation. Mais apprenez à douter, et soyez modeste. Je crois au Pentateuque, entendez-vous; mais je crois que vous avez imprimé des sottises énormes.
    Je pourrais transcrire ici un gros volume de vos ignorances, et plusieurs de celles de vos confrères; je ne m'en donnerai pas la peine. Poursuivons nos questions.
SECTION II.
Les ignorances.
    J'ignore comment j'ai été formé, et comment je suis né. J'ai ignoré absolument pendant le quart de ma vie les raisons de tout ce que j'ai vu, entendu et senti; et je n'ai été qu'un perroquet sifflé par d'autres perroquets.
    Quand j'ai regardé autour de moi et dans moi, j'ai conçu que quelque chose existe de toute éternité; puisqu'il y a des êtres qui sont actuellement, j'ai conclu qu'il y a un être nécessaire et nécessairement éternel. Ainsi, le premier pas que j'ai fait pour sortir de mon ignorance a franchi les bornes de tous les siècles.
    Mais quand j'ai voulu marcher dans cette carrière infinie ouverte devant moi, je n'ai pu ni trouver un seul sentier, ni découvrir pleinement un seul objet; et du saut que j'ai fait pour contempler l'éternité, je suis retombé dans l'abîme de mon ignorance.
    J'ai vu ce qu'on appelle de la matière depuis l'étoile Sirius, et depuis celles de la voie lactée, aussi éloignées de Sirius que cet astre l'est de nous, jusqu'au dernier atome qu'on peut apercevoir avec le microscope, et j'ignore ce que c'est que la matière.
    La lumière qui m'a fait voir tous ces êtres m'est inconnue; je peux, avec le secours du prisme, anatomiser cette lumière, et la diviser en sept faisceaux de rayons; mais je ne peux diviser ces faisceaux; j'ignore de quoi ils sont composés. La lumière tient de la matière, puisqu'elle a un mouvement et qu'elle frappe les objets; mais elle ne tend point vers un centre comme tous les autres corps: au contraire, elle s'échappe invinciblement du centre, tandis que toute matière pèse vers son centre. La lumière paraît pénétrable, et la matière est impénétrable. Cette lumière est-elle matière? ne l'est-elle pas? qu'est-elle? de quelles innombrables propriétés peut-elle être revêtue? je l'ignore.
    Cette substance si brillante, si rapide et si inconnue, et ces autres substances qui nagent dans l'immensité de l'espace, sont-elles éternelles comme elles semblent infinies? je n'en sais rien. Un être nécessaire, souverainement intelligent, les a-t-il créées de rien, ou les a-t-il arrangées? a-t-il produit cet ordre dans le temps ou avant le temps ? Hélas ! qu'est-ce que ce temps même dont je parle ? je ne puis le définir. O Dieu ! il faut que tu m'instruises, car je ne suis éclairé ni par les ténèbres des autres hommes, ni par les miennes.
    Qui es-tu, toi, animal à deux pieds, sans plumes, comme moi-même, que je vois ramper comme moi sur ce petit globe ? Tu arraches comme moi quelques fruits à la boue qui est notre nourrice commune. Tu vas à la selle, et tu penses ! Tu es sujet à toutes les maladies les plus dégoûtantes, et tu as des idées métaphysiques ! J'aperçois que la nature t'a donné deux espèces de fesses par-devant, et qu'elle me les a refusées: elle t'a percé au bas de ton abdomen un si vilain trou, que tu es porté naturellement à le cacher. Tantôt ton urine, tantôt des animaux pensants sortent par ce trou; ils nagent neuf mois dans une liqueur abominable entre cet égout et un autre cloaque, dont les immondices accumulées seraient capables d'empester la terre entière; et cependant ce sont ces deux trous qui ont produit les plus grands événements. Troie périt pour l'un; Alexandre et Adrien ont érigé des temples à l'autre. L'âme immortelle a donc son berceau entre ces deux cloaques ! Vous me dites, madame, que cette description n'est ni dans le goût de Tibulle, ni dans celui de Quinault: d'accord, ma bonne; mais je ne suis pas en humeur de te dire des galanteries.
    Les souris, les taupes, ont aussi leurs deux trous, pour lesquels elles n'ont jamais fait de pareilles extravagances. Qu'importe à l'être des êtres qu'il y ait des animaux comme nous et comme les souris, sur ce globe qui roule dans l'espace avec tant d'innombrables globes ?
    Pourquoi sommes-nous ? pourquoi y a-t-il des êtres ?
    Qu'est-ce que le sentiment ? comment l'ai-je reçu ? quel rapport y a-t-il entre l'air qui frappe mon oreille et le sentiment du son ? entre ce corps et le sentiment des couleurs ? Je l'ignore profondément, et je l'ignorerai toujours.
    Qu'est-ce que la pensée ? où réside-t-elle ? comment se forme-t-elle ? qui me donne des pensées pendant mon sommeil ? est-ce en vertu de ma volonté que je pense ? Mais toujours pendant le sommeil, et souvent pendant la veille, j'ai des idées malgré moi. Ces idées, longtemps oubliées, longtemps reléguées dans l'arrière-magasin de mon cerveau, en sortent sans que je m'en mêle, et se présentent d'elles-mêmes à ma mémoire, qui faisait de vains efforts pour les rappeler.
    Les objets extérieurs n'ont pas la puissance de former en moi des idées, car on ne donne point ce qu'on n'a pas; je sens trop que ce n'est pas moi qui me les donne, car elles naissent sans mes ordres. Qui les produit en moi ? d'où viennent-elles ? où vont-elles ? Fantômes fugitifs, quelle main invisible vous produit et vous fait disparaître ?
    Pourquoi, seul de tous les animaux, l'homme a-t-il la rage de dominer sur ses semblables ?
    Pourquoi et comment s'est-il pu faire que, sur cent milliards d'hommes, il y en ait eu plus de quatre-vingt-dix-neuf immolés à cette rage ?
    Comment la raison est-elle un don si précieux que nous ne voudrions le perdre pour rien au monde ? et comment cette raison n'a-t-elle servi qu'à nous rendre presque toujours les plus malheureux de tous les êtres ?
    D'où vient qu'aimant passionnément la vérité nous nous sommes toujours livrés aux plus grossières impostures ?
    Pourquoi cette foule d'Indiens trompée et asservie par des bonzes, écrasée par le descendant d'un Tartare, surchargée de travaux, gémissante dans la misère, assaillie par les maladies, en butte à tous les fléaux, aime-t-elle encore la vie ?
    D'où vient le mal, et pourquoi le mal existe-t-il ?
    O atomes d'un jour ! ô mes compagnons dans l'infinie petitesse, nés comme moi pour tout souffrir et pour tout ignorer, y en a-t-il parmi vous d'assez fous pour croire savoir tout cela ? Non, il n'y en a point; non, dans le fond de votre coeur vous sentez votre néant comme je rends justice au mien. Mais vous êtes assez orgueilleux pour vouloir qu'on embrasse vos vains systèmes; ne pouvant être les tyrans de nos corps, vous prétendez être les tyrans de nos âmes.

Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.

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