ONAN

ONAN
    ONAN, ONANISME
ONAN, ONANISME.
    Nous avons promis à l'article AMOUR SOCRATIQUE de parler d'Onan et de l'onanisme, quoique cet onanisme n'ait rien de commun avec l'amour socratique, et qu'il soit plutôt un effet très désordonné de l'amour-propre.
    La race d'Onan a de très grandes singularités. Le patriarche Juda son père coucha, comme on sait, avec sa belle-fille Thamar la Phénicienne, dans un grand chemin. Jacob, père de Juda, avait été à la fois le mari de deux soeurs filles d'un idolâtre, et il avait trompé son père et son beau-père. Loth, grand-oncle de Jacob, avait couché avec ses deux filles. Salmon, l'un des descendants de Jacob et de Juda, épousa Rahab la Cananéenne, prostituée. Booz, fils de Salmon et de Rahab, reçut dans son lit Ruth la Madianite, et fut bisaïeul de David. David enleva Bethsabée au capitaine Uriah son mari, qu'il fit assassiner pour être plus libre dans ses amours. Enfin, dans les deux généalogies de notre Seigneur Jésus-Christ, si différentes en plusieurs points, mais entièrement semblables en ceux-ci, on voit qu'il naquit de cette foule de fornications, d'adultères et d'incestes. Rien n'est plus propre à confondre la prudence humaine, à humilier notre esprit borné, à nous convaincre que les voies de la Providence ne sont pas nos voies.
    Le révérend père dom Calmet fait cette réflexion à propos de l'inceste de Juda avec Thamar et du péché d'Onan, chap. XXXVIII de la Genèse: " L'Écriture, dit-il, nous donne le détail d'une histoire qui, dans le premier sens qui frappe l'esprit, ne paraît pas fort propre à édifier; mais le sens caché et mystérieux qu'elle renferme est aussi élevé que celui de la lettre paraît bas aux yeux de la chair. Ce n'est pas sans de bonnes raisons que le Saint-Esprit a permis que l'histoire de Thamar, de Rahab, de Ruth, et de Bethsabée, se trouvât mêlée dans la généalogie de Jésus-Christ. "
    Il eût été à souhaiter que dom Calmet nous eût développé ces bonnes raisons; il aurait éclairé les doutes et calmé les scrupules de toutes les âmes honnêtes et timorées, qui voudraient comprendre comment l'être éternel, le créateur des mondes, a pu naître, dans un village juif, d'une race de voleurs et de prostituées. Ce mystère, qui n'est pas le moins inconcevable de tous les mystères, était digne assurément d'être expliqué par un savant commentateur. Tenons-nous-en ici à l'onanisme.
    On sait bien quel est le crime du patriarche Juda, ainsi qu'on connaît le crime des patriarches Siméon et Lévi ses frères, commis dans Sichem, et le crime de tous les autres patriarches, commis contre leur frère Joseph; mais il est difficile de savoir précisément quel était le péché d'Onan. Juda avait marié son fils aîné Her à cette Phénicienne Thamar. Her mourut pour avoir été méchant. Le patriarche voulut que son second fils Onan épousât la veuve, selon l'ancienne loi des Égyptiens et des Phéniciens leurs voisins: cela s'appelait susciter des enfants à son frère. Le premier-né du second mariage portait le nom du défunt, et c'est ce qu'Onan ne voulait pas. Il haïssait la mémoire de son frère; et pour ne point faire d'enfant qui portât le nom de Her, il est dit qu'il jetait sa semence à terre.
    Or il reste à savoir si c'était dans la copulation avec sa femme qu'il trompait ainsi la nature, ou si c'était au moyen de la masturbation qu'il éludait le devoir conjugal; la Genèse ne nous apprend point cette particularité. Mais aujourd'hui ce qu'on appelle communément le péché d'Onan, c'est l'abus de soi-même avec le secours de la main, vice assez commun aux jeunes garçons et même aux jeunes filles qui ont trop de tempérament.
    On a remarqué que l'espèce des hommes et celle des singes sont les seules qui tombent dans ce défaut contraire au voeu de la nature.
    Un médecin a écrit en Angleterre contre ce vice un petit volume intitulé de l'Onanisme, dont on compte environ quatre-vingts éditions, supposé que ce nombre prodigieux ne soit pas un tour de libraire pour amorcer les lecteurs; ce qui n'est que trop ordinaire.
    M. Tissot, fameux médecin de Lausanne, a fait aussi son Onanisme, plus approfondi et plus méthodique que celui d'Angleterre. Ces deux ouvrages étalent les suites funestes de cette malheureuse habitude, la perte des forces, l'impuissance, la dépravation de l'estomac et des viscères, les tremblements, les vertiges, l'hébétation, et souvent une mort prématurée. Il y en a des exemples qui font frémir.
    M. Tissot a trouvé par l'expérience que le quinquina était le meilleur remède contre ces maladies, pourvu qu'on se défît absolument de cette habitude honteuse et funeste, si commune aux écoliers, aux pages, et aux jeunes moines.
    Mais il s'est aperçu qu'il était plus aisé de prendre du quinquina que de vaincre ce qui est devenu une seconde nature.
    Joignez les suites de l'onanisme avec la vérole, et vous verrez combien l'espèce humaine est ridicule et malheureuse.
    Pour consoler cette espèce, M. Tissot rapporte autant d'exemples de malades de réplétion que de malades d'émission; et ces exemples, il les trouve chez les femmes comme chez les hommes. Il n'y a point de plus fort argument contre les voeux téméraires de chasteté. Que voulez-vous en effet que devienne une liqueur précieuse formée par la nature pour la propagation du genre humain ? Si on la prodigue indiscrètement, elle peut vous tuer; si on la retient, elle peut vous tuer de même. On a observé que les pollutions nocturnes sont fréquentes chez les personnes des deux sexes non mariées, mais beaucoup plus chez les jeunes religieux que chez les recluses, parce que le tempérament des hommes est plus dominant. On en a conclu que c'est une énorme folie de se condamner soi-même à ces turpitudes, et que c'est une espèce de sacrilège dans les gens sains de prostituer ainsi le don du Créateur, et de renoncer au mariage, ordonné expressément par Dieu même. C'est ainsi que pensent les protestants, les juifs, les musulmans, et tant d'autres peuples; mais les catholiques ont d'autres raisons en faveur des couvents. Je dirai des catholiques ce que le profond Calmet dit du Saint-Esprit: ils ont eu sans doute de bonnes raisons.

Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.

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