- OSÉE
- En relisant hier, avec édification, l'Ancien Testament, je tombai sur ce passage d'Osée, chap. XIV, v.: " Que Samarie périsse, parce qu'elle a tourné son Dieu à l'amertume ! que les Samaritains meurent par le glaive ! que leurs petits enfants soient écrasés, et qu'on fende le ventre aux femmes grosses ! "Je trouvai ces paroles un peu dures: j'allai consulter un docteur de l'université de Prague, qui était alors à sa maison de campagne au mont Krapack; il me dit: Il ne faut pas que cela vous étonne. Les Samaritains étaient des schismatiques qui voulaient sacrifier chez eux, et ne point envoyer leur argent à Jérusalem; ils méritaient au moins les supplices auxquels le prophète Osée les condamne. La ville de Jéricho, qui fut traitée ainsi, après que ses murs furent tombés au son du cornet, était moins coupable. Les trente et un rois que Josué fit pendre n'étaient point schismatiques. Les quarante mille Éphraïmites massacrés pour avoir prononcé siboleth au lieu de schiboleth n'étaient point tombés dans l'abîme du schisme. Sachez, mon fils, que le schisme est tout ce qu'il y a de plus exécrable. Quand les jésuites firent pendre dans Thorn, en 1724, de jeunes écoliers , c'est que ces pauvres enfants étaient schismatiques. Ne doutez pas que nous autres catholiques, apostoliques, romains, et bohémiens, nous ne soyons tenus de passer au fil de l'épée tous les Russes que nous rencontrerons désarmés, d'écraser leurs enfants sur la pierre, d'éventrer leurs femmes enceintes, et de tirer de leur matrice déchirée et sanglante leurs foetus à demi formés. Les Russes sont de la religion grecque schismatique; ils ne portent point leur argent à Rome; donc nous devons les exterminer, puisqu'il est démontré que les Jérosolymites devaient exterminer les Samaritains. C'est ainsi que nous traitâmes les Hussites, qui voulaient aussi garder leur argent. Ainsi a péri ou dû périr, ainsi a été éventrée ou dû être éventrée toute femme ou fille schismatique.Je pris la liberté de disputer contre lui; il se fâcha; la dispute se prolongea; il fallut souper chez lui; il m'empoisonna; mais je n'en mourus pas.
Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.