- VÉNALITÉ
- Ce faussaire dont nous avons tant parlé , qui fit le Testament du cardinal de Richelieu, dit, au chapitre IV, " qu'il vaut mieux laisser la vénalité et le droit annuel, que d'abolir ces deux établissements difficiles à changer tout d'un coup sans ébranler l'État. "Toute la France répétait, et croyait répéter après le cardinal de Richelieu, que la vénalité des offices de judicature était très avantageuse.L'abbé de Saint-Pierre fut le premier qui, croyant encore que le prétendu Testament était du cardinal, osa dire dans ses observations sur le chapitre IV: " Le cardinal s'est engagé dans un mauvais pas, en soutenant que quant à présent la vénalité des charges peut être avantageuse à l'État. Il est vrai qu'il n'est pas possible de rembourser toutes les charges. "Ainsi, non seulement cet abus paraissait à tout le monde irréformable, mais utile: on était si accoutumé à cet opprobre qu'on ne le sentait pas; il semblait éternel; un seul homme en peu de mois l'a su anéantir.Répétons donc qu'on peut tout faire, tout corriger; que le grand défaut de presque tous ceux qui gouvernent est de n'avoir que des demi-volontés et des demi-moyens. Si Pierre-le-Grand n'avait pas voulu fortement, deux mille lieues de pays seraient encore barbares.Comment donner de l'eau dans Paris à trente mille maisons qui en manquent ? comment payer les dettes de l'État ? comment se soustraire à la tyrannie révérée d'une puissance étrangère qui n'est pas une puissance, et à laquelle on paie en tribut les premiers fruits ? Osez le vouloir, et vous en viendrez à bout plus aisément que vous n'avez extirpé les jésuites, et purgé le théâtre de petits-maîtres.
Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.