- ARBRE À SUIF
- On nomme dans l'Amérique candle-berry-tree, ou bay-berry-tree, ou l'arbre à suif, une espèce de bruyère dont la baie donne une graisse propre à faire des chandelles. Elle croît en abondance dans un terrain bas et bien humecté; il paraît qu'elle se plaît sur les rivages maritimes. Cet arbuste est couvert de baies d'où semble suinter une substance blanche et farineuse; on les cueille à la fin de l'automne lorsqu'elles sont mûres; on les jette dans une chaudière qu'on remplit d'eau bouillante; la graisse se fond, et s'élève au-dessus de l'eau: on met dans un vase à part cette graisse refroidie, qui ressemble à du suif ou à de la cire; sa couleur est communément d'un vert sale. On la purifie, et alors elle devient d'un assez beau vert. Ce suif est plus cher que le suif ordinaire, et coûte moins que la cire. Pour en former des chandelles, on le mêle souvent avec du suif commun; alors elles ne sont pas si sujettes à couler. Les pauvres se servent volontiers de ce suif végétal qu'ils recueillent eux-mêmes, au lieu qu'il faudrait acheter l'autre.On en fait aussi du savon et des savonnettes d'une odeur assez agréable.Les médecins et les chirurgiens en font usage pour les plaies.Un négociant de Philadelphie envoya de ce suif dans les pays catholiques de l'Amérique, dans l'espoir d'en débiter beaucoup pour des cierges; mais les prêtres refusèrent de s'en servir.Dans la Caroline on en a fait aussi une sorte de cire à cacheter.On indique enfin la racine du même arbuste comme un remède contre les fluxions des gencives, remède usité chez les sauvages.A l'égard du cirier ou de l'arbre à cire, il est assez connu. Que de plantes utiles à tout le genre humain la nature a prodiguées aux Indes orientales et occidentales ! le quinquina seul valait mieux que les mines du Pérou, qui n'ont servi qu'à mettre la cherté dans l'Europe.
Dictionnaire philosophique de Voltaire. 2014.